Digitoxine : un retour prometteur des digitaliques dans l’insuffisance cardiaque avancée

Un médicament ancien revient sur le devant de la scène. La digitoxine, longtemps éclipsée par d’autres traitements de l’insuffisance cardiaque, démontre aujourd’hui un bénéfice clinique tangible dans les formes avancées de la maladie. L’essai Digit-HF, publié dans The New England Journal of Medicine et présenté lors du congrès 2025 de l’European Society of Cardiology (ESC), montre que cette molécule réduit à la fois le risque de décès et celui d’hospitalisation.
Une cousine oubliée de la digoxine, mais plus efficace
Proche chimiquement de la digoxine, la digitoxine appartient à la même famille des glycosides cardiaques — des substances extraites des plantes digitales, connues pour renforcer la contraction du cœur. Mais là où la digoxine a montré des effets mitigés, la digitoxine semble marquer un tournant.
Dans l’essai historique Dig (1997), la digoxine n’avait pas permis de réduire la mortalité globale, bien qu’elle diminuât légèrement les hospitalisations. À l’inverse, la digitoxine, testée sur plus de 1 200 patients dans Digit-HF, affiche des résultats plus convaincants.
Un protocole rigoureux et des résultats concrets
Menée en Allemagne, Autriche et Serbie, cette étude randomisée en double aveugle a comparé la digitoxine (0,05 à 0,1 mg/jour) à un placebo, sur des patients souffrant d’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite (FEVG ≤ 40 %).
Au terme de 36 mois de suivi, le critère principal (décès toutes causes ou hospitalisation pour aggravation de l’IC) est survenu chez 39,5 % des patients sous digitoxine, contre 44,1 % dans le groupe placebo. Soit une réduction relative de 18 % du risque (HR = 0,82).
Les décès toutes causes confondues étaient également moindres (27,2 % vs 29,5 %), tout comme les hospitalisations pour insuffisance cardiaque (28,1 % vs 30,4 %).
Les bénéfices se sont révélés plus nets chez les patients présentant une fréquence cardiaque élevée (≥ 75 bpm) ou une pression artérielle basse (≤ 120 mmHg), et lorsque les concentrations sanguines de digitoxine restaient faibles — un point déjà observé avec la digoxine.
Des atouts pharmacologiques majeurs
La digitoxine présente plusieurs avantages pharmacocinétiques par rapport à sa cousine. Elle est mieux absorbée, moins dépendante de la fonction rénale et plus stable dans le sang.
Autrement dit, elle peut être utilisée chez des patients atteints d’insuffisance rénale chronique, sans ajustement fréquent de la posologie — un avantage considérable dans la pratique quotidienne.
Des effets indésirables à surveiller, mais maîtrisables
Les effets secondaires graves ont été peu fréquents : 4,7 % dans le groupe digitoxine contre 2,8 % dans le groupe placebo, essentiellement des troubles cardiaques. Un profil de tolérance jugé acceptable par les chercheurs, compte tenu du bénéfice global.
Une nouvelle option thérapeutique
« Nous avons montré qu’un ajustement posologique simple permettait d’obtenir des bénéfices cliniques significatifs, même chez des patients déjà bien traités », soulignent les auteurs de l’étude, issus de l’Université de Hanovre.
Ils estiment que la digitoxine pourrait retrouver une place dans la stratégie thérapeutique de l’insuffisance cardiaque, notamment chez les patients présentant une fibrillation auriculaire, une fréquence cardiaque rapide ou une insuffisance rénale.
Un regain d’intérêt pour les digitaliques
Dans un éditorial accompagnant la publication, le Pr Marc Pfeffer (Harvard Medical School) note que les digitaliques avaient presque disparu de la pratique clinique, remplacés par les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et les bêta-bloquants.
Mais les résultats de Digit-HF « rappellent que ces molécules, bien utilisées, peuvent encore sauver des vies ». Le Pr Pfeffer évoque même la possibilité d’un retour raisonné de la digoxine, à faible dose, en attendant les conclusions de l’essai Decision actuellement en cours.
Source: Le Quotidien du Pharmacien