Des promesses, toujours des promesses : le bal des ministres de la santé et des pharmaciens continue!

Le 15 avril 2023, le ministre de la Santé Khalid Ait Taleb recevait en grande pompe les représentants des centrales syndicales des pharmaciens. Une réunion « historique », nous disait-on alors. Une occasion de « renouer le dialogue », de « prendre en compte les doléances », bref, de faire ce que l’on sait faire de mieux : promettre.
Un an plus tard, presque jour pour jour, changement de ministre – car au ministère de la santé, la durée de vie d’un ministre est aussi éphémère que celle d’un papillon. Au grand dam des pharmaciens, Ait Taleb s’est donc éclipsé et avec lui toutes ses promesses et nos espérances, pour laisser place à Mr Tahraoui.
Ce dernier a pris une année avant de daigner enfin se réunir avec les mêmes centrales syndicales pour…… les écouter. Quelle originalité! Et on ressort les mêmes formules : « feuille de route », « réforme en profondeur », « modernisation du secteur ». Les représentants des pharmaciens, eux, jouent la partition attendue : inquiétude, désillusion, mais aussi espoir, car il faut bien justifier le déplacement. Tout le monde repart avec un sourire crispé et un communiqué lissé à l’extrême. Rien n’a changé, mais on a parlé. C’est ça, la magie de la gouvernance : faire semblant d’avancer en tournant en rond.
Et pourtant, les problèmes des pharmaciens d’officine sont connus. Trop connus. Trop répétitifs pour ne pas ressembler à une mauvaise blague. Violation du monopole pharmaceutique (par les associations, les cliniques, laboratoires de radiologie, et certains médecins…), concurrence déloyale qui sévit en l’absence d’un conseil de l’ordre fort et légitime, Obsolescence de certaines législations (psychotropes…), mesures de compensations afin de juguler l’impact de la baisse des prix des médicaments sur l’équilibre économique des pharmacies, non octroi du droit de substitution, ruptures répétées d’un grand nombre de médicaments, etc. Au fait, ce n’est plus une liste de doléances, mais un constat d’échec de la politique pharmaceutique. Mais chaque ministre arrive avec sa petite boîte à promesses, comme un illusionniste au rabais. Et les centrales syndicales finissent par devenir des figurants dans une pièce de théâtre absurde.
Quant aux pharmaciens de la base, ils assistent à cette série interminable comme on regarde une rediffusion qu’on connaît par cœur. Ils savent que le prochain épisode sera identique : une autre réunion, une autre promesse, et toujours pas de décret, pas de réforme, pas de texte concret. Le seul changement auquel ils auront droit est celui du ministre de la santé quelques mois plus tard.
L’ironie amère de cette histoire c’est que les ministres de la santé qui se succèdent ne cherchent pas de véritables solutions, ils cherchent uniquement à gagner du temps. Gagner quoi, exactement ? Quelques mois de calme avant une éventuelle grève ? Ou juste donner l’illusion que le système fonctionne tant qu’ils parlent ?
Aujourd’hui, les pharmaciens n’ont besoin ni de promesses qui n’engagent que ceux qui les croient, ni des séries interminables de réunions de travail, mais de véritables acquis qui amélioreraient leur situation précaire assez vite.
En attendant que le pharmacien d’officine soit considéré à sa juste valeur, et soit pris au sérieux, de plus en plus de pharmaciens arrivent à peine à joindre les deux bouts, certaines pharmacies finissent par baisser le rideau, des vocations s’éteignent et des rêves se brisent. Mais pas d’inquiétude : une autre réunion est sans doute prévue. Probablement dans un autre cadre, avec un autre ministre et d’autres promesses mais toujours avec les mêmes maux et les mêmes représentants des pharmaciens !