Introduction
Pendant le mois du Ramadan, il existe une modification importante du régime de vie. Les rythmes veille – sommeil et alimentaires sont notamment perturbés. En effet, pendant un mois les personnes qui pratiquent le Ramadan sont privées de toute prise alimentaire et hydrique depuis l’aurore jusqu’au crépuscule.
Cela modifie donc leurs habitudes alimentaires autant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif. Ils sont aussi plus actifs la nuit que le jour en raison du changement du cycle veille – sommeil. En effet, les pratiquants, occupés à lire, prier ou regarder la télévision ont tendance à rester éveillés plus tard dans la nuit. Les répercussions du jeûne sur la performance physique et sportive sont un sujet qui suscite beaucoup de questions dans la population concernée, en raison de l’influence délétère qu’il pourrait avoir sur la performance sportive. Une prévalence à une fatigue générale, aux maux de tête ainsi qu’à une certaine irritabilité a été observée. De même, en cas de compétition dans des conditions extrêmes comme une température élevée, il pourrait y avoir des risques pour la santé.

Les perturbations de l’apport alimentaire
Le jeûne du Ramadan implique de réduire le nombre de repas quotidiens de trois à deux. Pour les personnes peu actives, cette réduction peut suffire à maintenir l’équilibre énergétique, voire être bénéfique pour celles qui ont un excès de poids et souhaitent réduire leur apport alimentaire. La balance énergétique est généralement bien maintenue chez la plus part des athlètes, mais une consommation excessive de nourriture en un petit laps de temps peut perturber la qualité du sommeil. Cependant, contrairement aux personnes sédentaires dont les réserves en glycogène dans le foie et les muscles sont suffisantes pour une journée normale, les athlètes ont besoin de maintenir un taux de glucose adéquat pour soutenir leurs efforts physiques, ce qui peut entraîner une perte de masse musculaire au fil du temps. Pour régénérer 1 g de glucose, 1,75 g de protéines sont nécessaires.

Des études ont montré que les joueurs de rugby ont perdu en moyenne 1,8 kg de masse musculaire en raison d’un déficit énergétique. Pour les athlètes qui jeûnent pendant 12 à 15 heures, maintenir un taux suffisant de glucides est un défi important, surtout pour ceux qui participent à des compétitions d’endurance ou des efforts répétitifs. Si le taux de glucose est trop bas, cela peut entraîner une diminution de l’adresse, des fonctions cognitives et, bien sûr, des performances sportives. En somme, il est essentiel pour les athlètes de maintenir un apport adéquat en glucides pour éviter une perte de masse musculaire et maintenir une performance optimale.

Les perturbations de l’apport hydrique
Une insuffisance d’apport en eau peut réduire le débit cardiaque, entraînant une diminution du transport d’oxygène vers les muscles et altérant la force de contraction musculaire. Pour réguler la température corporelle et prévenir une surchauffe, le corps a besoin d’une quantité suffisante d’eau pour produire de la sueur. Pendant une activité sportive intense en milieu chaud, il est possible de perdre jusqu’à 2 litres de sueur par heure, ce qui nécessite une hydratation adéquate avant, pendant et après l’exercice.

Des études ont montré que même une perte hydrique de 2% peut diminuer la performance sportive, tandis qu’une perte de 6% ou plus peut causer des accidents liés à une hyperthermie, tels qu’un « heat stroke », qui peut être mortel. Des chercheurs ont également noté une augmentation de l’hématocrite pendant le Ramadan, et un déficit hydrique chez les personnes sédentaires et les athlètes. Une hydratation adéquate est donc essentielle pour maintenir des performances optimales et prévenir les risques de santé associés à l’exercice en milieu chaud et pendant le jeûne.

Les perturbations du cycle sommeil et éveil
Le sommeil et la relaxation musculaire jouent un rôle crucial dans la récupération de l’organisme et peuvent améliorer les performances physiques et mentales. Pendant le sommeil, plusieurs hormones, notamment l’hormone de croissance, sont produites pour favoriser la récupération. De plus, la température centrale du corps diminue rapidement pendant le sommeil, ce qui est bénéfique pour la récupération. Cependant, une alimentation tardive peut compromettre la qualité du sommeil, en particulier pour les athlètes qui ont tendance à manger de manière abondante. Pendant le Ramadan, en particulier en été, le temps de sommeil peut être réduit d’environ deux heures, ce qui peut également affecter la qualité du sommeil.
Des enquêtes ont montré que la qualité du sommeil, évaluée par l’indice de Pittsburgh, peut être médiocre.

Cette diminution de la qualité du sommeil et de la capacité à bien récupérer a sans doute une influence sur la volonté à vouloir bouger, voire s’entraîner. Des observations effectuées sur 51 jeunes garçons et 66 jeunes filles ont montré que ces derniers passaient plus de temps assis et étaient moins engagés à effectuer des activités physiques durant le Ramadan. En absence d’une autodiscipline sévère ou d’une forte pression de la part des entraîneurs, il est probable que les athlètes aient tendance à diminuer de manière drastique leur programme d’entraînement. Il est toutefois possible de rester au lit après le petit déjeuner (S’hour) afin d’éviter au maximum la déshydratation avant une compétition.

L’effet du Ramadan sur la performance physique
La performance en endurance peut être diminuée en raison de la déshydratation et de la diminution du volume d’éjection systolique. De même une réduction des réserves en hydrates de carbone peut être la cause d’une baisse de la performance pour toute activité d’une durée supérieure à une heure. La pratique du jeûne entre le lever et le coucher du soleil, pendant le mois du ramadan, peut s’accompagner d’une diminution de la consommation d’énergie et de la masse corporelle, ainsi que d’une dégradation du statut hydrique.

En 2020, Abaidia, Ae. Daab, W. Bouzid, Ma. « et col. » ont publié dans Sport Medecine, les résultats d’une revue systématique de littérature et une méta-analyse examinant les effets du jeûne pendant le ramadan sur les performances physiques des sportifs de plus de 18 ans. Onze études ont été incluses dans la revue de littérature. Huit marqueurs de performance physique ont été considérés dans la méta-analyse : la puissance maximale, la puissance moyenne et la capacité anaérobie, mesurées sur vélo ergomètre au cours du test anaérobie de Wingate ou du test RSA (Capacité de Réitération de Sprint), l’indice de fatigue, le niveau de force, le saut vertical, la performance aérobie et la vitesse au sprint. Les résultats ont mis tout d’abord en évidence que le jeûne pendant le ramadan n’a pas d’impact sur la plupart des indicateurs de performance considérés. Ainsi, la capacité anaérobie, l’indice de fatigue, le niveau de force, le saut vertical et la performance aérobie, mesurés le matin ou l’après-midi, n’étaient pas affectés par la pratique du jeûne Trois indicateurs de performance sont par contre diminués par la pratique du jeûne :

• La puissance maximale mesurée l’après-midi pendant la première semaine du ramadan est abaissée en moyenne de 16,8 % comparativement au niveau basal.

• La puissance moyenne mesurée l’après-midi est elle aussi détériorée : la baisse entre la fin du ramadan et le niveau basal atteint en moyenne 5,1 %.

• Enfin, la vitesse au sprint mesurée le matin était diminuée de 3,9 % pendant la 2e semaine et de 3,2 % à la fin du ramadan, par rapport aux tests réalisés avant le début du jeûne. En conclusion, cette méta-analyse montre que les performances aérobies des sportifs ne sont pas diminuées par la pratique du jeûne pendant le ramadan.
Si trois indicateurs de performance anaérobie sont détériorés par le jeûne (puissance maximale, puissance moyenne et vitesse au sprint), les auteurs considèrent pour autant inutile de rompre le jeûne les jours de compétition pour améliorer les performances et conseillent plutôt de prioriser une bonne qualité de sommeil ainsi qu’une optimisation nutritionnelle à l’occasion des deux repas pris juste après le coucher (F’tour) et juste avant le lever du soleil (S’hour).