Uridine : une molécule prometteuse pour renforcer l’action des antibiotiques contre les bactéries résistantes

Face à la montée inquiétante de l’antibiorésistance, une équipe de chercheurs de l’Institut Pasteur, en collaboration avec l’Inserm, le CNRS et l’Université Paris Cité, vient de mettre au jour un mécanisme inédit pouvant redonner de la puissance à une famille d’antibiotiques bien connue : les aminosides. Leur secret ? Ces molécules utiliseraient les transporteurs de sucres pour pénétrer dans les bactéries — un processus que l’uridine pourrait considérablement amplifier.

Une menace sanitaire mondiale toujours plus préoccupante

L’Organisation mondiale de la santé estimait déjà, en 2019, que la résistance aux antimicrobiens était directement responsable de plus de 1,27 million de décès et qu’elle contribuait à près de 5 millions de morts dans le monde. Six ans plus tard, la situation continue de s’aggraver, avec l’émergence de bactéries multirésistantes rendant certains traitements inefficaces.
C’est dans ce contexte que les chercheurs français ont identifié un nouveau levier pour renforcer l’efficacité des antibiotiques existants, sans devoir créer de nouvelles molécules.

Les aminosides : un mode d’entrée bactérien enfin élucidé

Jusqu’à récemment, le mode de pénétration des aminosides dans les bactéries à Gram négatif – telles qu’Escherichia coli – restait un mystère.
En étudiant le Vibrio cholerae, agent du choléra, les scientifiques ont découvert que ces antibiotiques franchissent la paroi bactérienne en empruntant les transporteurs de sucres, des structures normalement destinées à faire passer des nutriments comme le glucose, le fructose ou le saccharose.
Autrement dit, les bactéries ouvrent involontairement la porte à leur propre destruction.

L’uridine, un accélérateur naturel de transporteurs

Pour exploiter ce mécanisme, les chercheurs ont testé plus de 200 composés afin d’en trouver un capable d’augmenter la production de ces transporteurs.
Résultat : l’uridine, une molécule déjà connue pour sa bonne tolérance clinique, s’est révélée particulièrement efficace.
Ajoutée au milieu de culture, elle double la quantité de transporteurs de sucres à la surface des bactéries E. coli, ce qui multiplie par dix leur perméabilité aux aminosides.
Encore plus encourageant : certaines souches multirésistantes, auparavant insensibles aux traitements, redeviennent vulnérables en présence d’uridine.

Vers de nouvelles stratégies thérapeutiques

Au-delà du renforcement de l’efficacité antibactérienne, cette approche pourrait aussi permettre de réduire les doses d’aminosides nécessaires, limitant ainsi leurs effets secondaires parfois sévères, notamment sur les reins (néphrotoxicité) et l’audition (ototoxicité).
Les chercheurs envisagent déjà d’autres pistes : et si l’on greffait une molécule d’uridine à d’autres antibiotiques pour faciliter leur entrée dans les bactéries résistantes ?

Une avancée majeure dans la lutte contre l’antibiorésistance

Cette découverte ouvre une voie prometteuse : plutôt que de chercher sans cesse de nouveaux antibiotiques, il serait possible d’optimiser ceux que nous possédons déjà.
L’uridine, par sa simplicité et son efficacité, pourrait bien devenir un allié stratégique dans la bataille mondiale contre les bactéries multirésistantes — un enjeu de santé publique prioritaire pour les années à venir.