La maladie cœliaque est encore sous-diagnostiquée
La journée mondiale de la maladie cœliaque (MC) qui a lieu le 16 mai de chaque année, est l’occasion idéale pour faire le point sur cette maladie et mettre en avant le quotidien difficile des patients. La MC est une maladie auto-immune due à une intolérance au gluten et aux protéines apparentées contenues dans le blé, le seigle, l’orge et l’épeautre. Elle est caractérisée par une atrophie des villosités intestinales causée par le contact au gluten chez des personnes prédisposées génétiquement. C’est une maladie difficile à diagnostiquer à cause de la diversité de ses manifestations.
En effet, d’une affection de nourrissons et d’enfants en bas âge et dont les signes typiques se limitaient à l’appareil digestif (diarrhées, vomissements, état irritable et cassure de la croissance), la MC est devenue, ces dernières décennies, une pathologie de l’adolescent et de l’adulte pouvant se manifester de plusieurs façons, notamment par des douleurs articulaires, une ostéoporose, des anémies, des fausses couches à répétition, des aphtes buccaux, une dermatite, des maux de tête, une fatigue chronique, une anxiété, une dépression, etc. Elle peut demeurer relativement silencieuse pendant des années tout en poursuivant un travail de destruction sur l’intestin et d’autres organes. De ce fait, la pathologie est bien souvent découverte au stade de complications. On estime d’ailleurs que le délai de sa mise en évidence est de 13 ans et que pour chaque cas détecté, en particulier chez l’adulte, 8 cas resteraient ignorés! Le diagnostic de la MC se base sur la recherche d’autoanticorps antitransglutaminase ainsi que sur la présence d’atrophie villositaire sur les biopsies duodénales, et le traitement repose sur un strict régime alimentaire sans gluten qu’il va falloir suivre à vie.
Au Maroc, la prévalence de la MC est estimée à 1 % de la population, soit plus de 350.000 marocains, avec certainement des pourcentages beaucoup plus élevés dans le sud marocain. En effet, une étude ponctuelle menée sur des enfants sahraouis en 1999, avait révélé une prévalence de 5,6 %, soit le plus haut taux connu au monde. Malgré cette forte prévalence, La MC reste largement sous diagnostiquée au Maroc, et ce à cause d’un déficit de sensibilisation. Et ce malgré le remarquable travail des associations de patients, notamment l’Association marocaine des intolérants et allergiques au gluten (Amiag), qui œuvrent activement pour que la MC soit mieux connue grâce à l’organisation de compagnes de sensibilisation, de journées scientifiques et aux ateliers culinaires apprenant aux patients la façon de confectionner des recettes sans gluten.
Le travail des associations a aussi permis l’essor du marché « sans gluten » avec l’introduction de plusieurs marques de produits sans gluten. Cet élan a influencé le secteur agroalimentaire et l’industrie pharmaceutique marocaine qui commencent à faire plus attention à la présence du gluten dans les aliments et les médicaments.
Le pharmacien d’officine a un rôle de première ligne à jouer dans le dépistage de la maladie cœliaque et l’orientation des patients susceptibles de l’avoir vers le médecin. Il peut également contribuer à la sensibilisation des citoyens aux manifestations de cette maladie et les aider à une meilleure prise en charge. En effet, le pharmacien dispose d’un espace de santé accessible gratuitement, jouit de la confiance des patients et connaît leur histoire médicale, cela fait de lui un intervenant de premier ordre dans la sensibilisation des patients et leur orientation. Pour cela, il suffit que le ministère de la santé et/ou les associations des malades coordonnent avec les instances professionnelles des pharmaciens d’officine pour que ce dernier puisse participer activement à ce genre d’action.
Le pharmacien d’officine, premier acteur de santé vers qui les citoyens se dirigent en cas de problème de santé, devrait être impliqué dans différentes actions de sensibilisation de santé publique, cela permettrait d’alléger les souffrances des patients d’une part et de faire des économies aux caisses d’assurance maladie, de l’autre. Dans le cas de la MC, un patient qui diagnostique sa maladie tôt et qui observe un régime sans gluten strict, pourrait mener une vie quasi-normale, dans le cas contraire il pourrait développer de graves complications qui feront de sa vie un enfer et des comptes des caisses d’assurance maladie un gouffre financier.