Gonarthrose et injection intra-articulaire d’acide hyaluronique : un consensus européen

L’injection intra-articulaire d’acide hyaluronique (IAAH) est de plus en plus employée dans la prise en charge de la gonarthrose. Les études existantes confirment un rapport bénéfice/risque favorable, avec une efficacité qui pourrait surpasser celle des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Toutefois, le niveau de preuve varie selon les recherches disponibles.
Une efficacité conditionnée par le profil du patient
La gonarthrose étant une pathologie hétérogène, l’action de l’IAAH ne cible que certains aspects spécifiques de la maladie. Plutôt que de questionner l’efficacité globale de cette méthode, les experts du groupe Eurovisco préconisent d’identifier les profils de patients chez qui elle serait la plus pertinente. Ce groupe de 12 spécialistes, issus de huit pays européens, a mené une étude en suivant la méthode Delphi. Leurs travaux ont abouti à l’élaboration de 40 recommandations fondées sur différents niveaux de preuve clinique.
Tolérance et absence de contre-indications majeures
Grâce à son excellente tolérance et à l’absence d’interactions médicamenteuses, l’IAAH est envisageable pour la majorité des patients souffrant de gonarthrose symptomatique, indépendamment de l’âge (consensus unanime, niveau de preuve 1A). Les populations fragiles, notamment celles souffrant de polypathologies cardiovasculaires ou néphrologiques, peuvent également bénéficier de ce traitement, bien que le niveau de preuve soit plus faible (niveau 2B). De plus, le diabète (types 1 et 2), la goutte et le syndrome métabolique ne constituent pas des contre-indications reconnues. L’IAAH est aussi recommandé pour les patients en surpoids (IMC entre 30 et 40 kg/m², niveau de preuve 1B) et peut être proposé, avec plus de précaution, aux personnes atteintes d’obésité morbide (IMC > 40).
Précautions en cas de grossesse et d’allaitement
L’utilisation de l’IAAH chez les femmes enceintes requiert une prudence particulière. Les experts recommandent de privilégier les anti-inflammatoires intra-articulaires et de reporter la viscosupplémentation après l’accouchement. Toutefois, en cas de douleurs intenses, cette injection peut être envisagée avec l’accord de l’obstétricien. Pour les femmes allaitantes, l’IAAH doit être administré avec précaution, bien qu’il puisse constituer une alternative à des traitements plus risqués.
Indications et limites en fonction du stade de la gonarthrose
L’IAAH peut être particulièrement bénéfique dans les formes précoces de la gonarthrose, où les symptômes sont présents malgré une radiographie normale ou quasi normale. Ce stade représente une fenêtre d’opportunité pour initier un traitement préventif et ralentir l’évolution de la maladie.
Les patients présentant une arthrose fémorotibiale ou fémoropatellaire légère à modérée peuvent également tirer profit de cette approche. Même dans les cas avancés, où l’arthrose est plus marquée sur les clichés radiographiques, l’IAAH peut être une option en l’absence d’alternative ou en cas de refus de la chirurgie par le patient. Toutefois, l’efficacité est plus incertaine dans ces situations.
L’IAAH est compatible avec diverses conditions associées, comme une méniscocalcinose, une déformation légère à modérée du genou (varus, valgus), un épanchement synovial limité (<10 mL) ou encore une gonarthrose post-traumatique, que ce soit pour un soulagement symptomatique ou en prévention secondaire.
Contre-indications relatives : inflammations sévères et épanchements volumineux
Si l’IAAH peut être administré malgré des douleurs modérées, il est préférable d’éviter cette injection en présence de poussées inflammatoires aiguës, de douleurs inflammatoires marquées ou d’un épanchement synovial important (>20 mL). Dans ces cas, les AINS, les infiltrations de corticoïdes ou l’application de glace sont des alternatives à privilégier.
Conclusion
L’injection intra-articulaire d’acide hyaluronique s’affirme comme une option thérapeutique intéressante dans la prise en charge de la gonarthrose, notamment pour les patients présentant des formes précoces à modérées. Toutefois, son efficacité dépend du profil clinique du patient, et son utilisation doit être adaptée au cas par cas. Les recommandations du groupe Eurovisco fournissent un cadre pour optimiser l’usage de cette thérapeutique et améliorer la prise en charge des patients atteints de gonarthrose.
Source: Univadis