Pas si rares les « maladies rares »!
Les maladies dites rares sont celles qui touchent un nombre restreint de personne et posent de ce fait des problèmes spécifiques liés à cette rareté. Le seuil admis en Europe est d’une personne atteinte sur 2 000. Les maladies rares sont des maladies graves, souvent chroniques, parfois évolutives. L’atteinte peut être visible dès la naissance ou l’enfance, c’est notamment le cas pour l’amyotrophie spinale infantile, la neurofibromatose, l’ostéogenèse imparfaite, les chondrodysplasies ou le syndrome de Rett. Cependant plus de 50% des maladies rares apparaissent à l’âge adulte, comme la maladie de Huntington, la sclérose latérale amyotrophique, le sarcome de Kaposi ou le cancer de la thyroïde. Les maladies rares souffrent d’un déficit de connaissances médicales et scientifiques. Pour la plupart d’entre elles il n’existe pas de traitement curatif, mais des soins appropriés peuvent améliorer la qualité de vie et prolonger la durée de vie.
Au Maroc, les maladies rares représentent un véritable parcours du combattant pour le patient et sa famille. On estime entre 2 et 10 ans le temps nécessaire avant qu’un diagnostic ne soit établi et que les traitements ne soient administrés. Bien plus, un grand nombre de patients, jamais diagnostiqués sont soignés seulement sur la base de l’expression de leurs symptômes. Cette errance diagnostique est due notamment à l’absence d’un dossier médical unique et d’un médecin référent qui centralise les informations et coordonne les soins comme cela se fait en Europe.
La recherche médicale a beaucoup progressé ces trente dernières années dans la connaissance des mécanismes à l’origine de nombreuses maladies rares. Actuellement, les médecins ont à leur disposition des centaines de traitements efficaces et un bon nombre de tests de diagnostic. Malheureusement, ces moyens demeurent limités et difficiles à obtenir au Maroc, car ils sont souvent coûteux (médicaments «orphelins», greffe de moelle osseuse…) et pas toujours bien connus, pourtant leur bénéfice en terme financier est certain sur le long terme. En effet, un test adéquat sera toujours moins cher que des traitements inadaptés à vie ou le nomadisme médical auquel se livrent des patients désorientés !
Le samedi 23 Septembre, l’Alliance des Maladies Rares au Maroc (AMRM) a organisé, à Casablanca, le 3ème forum associatif des maladies rares sous le thème « Maladies rares et remboursement des soins ». A l’issue de cette manifestation, organisée avec le soutien du laboratoire Boehringer Ingelheim, l’AMRM a recommandé l’octroi du statut d’affection de longue durée (ALD) à un grand nombre de maladies rares, à commencer par les plus coûteuses, car cela garantirait une prise en charge et un remboursement systématiques des soins à 100 % de la base de référence sécurité sociale. Pour le moment, nombre de patients sont confrontés à des problèmes de remboursement car ils ne peuvent bénéficier que d’un remboursement dérogatoire au cas par cas.
La 2ème recommandation était la mise en place d’un statut de « médicament orphelin » pour les thérapeutiques employées dans les maladies rares. Et ce, afin de permettre aux patients d’avoir un accès plus rapide au marché en raccourcissant les délais nécessaires pour l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché (AMM). Il pourrait être envisagé aussi de les dispenser de certaines taxes et impôts et de leur garantir une exclusivité commerciale sur une certaine période ; et en contrepartie de ces avantages, les pouvoirs publics devraient pouvoir s’attacher à négocier des réductions de prix sur les médicaments les plus chers. La 3ème recommandation de l’AMRM n’était autre que l’instauration d’un dépistage néonatal systématique visant à détecter certaines maladies rares sévères d’origine génétique, généralement chez les bébés : il s’agit notamment de la phénylcétonurie, l’hypothyroïdie congénitale, l’hyperplasie congénitale des surrénales, la mucoviscidose et l’hémoglobinopathie.
Enfin, malgré leur très faible prévalence (0.05%), les « maladies rares » ne sont pas aussi rares au sein de la population marocaine. On estime à 1,5 millions, le nombre de patients marocains souffrant de ce genre de maladies, et cela s’explique par la très grande variété des « maladies rares» qui se situe entre 6000 et 8000 maladies! Et si des progrès indéniables ont été accomplis ces dernières années, en particulier dans les CHU, il est temps d’élaborer un plan national de lutte contre les maladies rares. Ce plan devrait viser à l’élaboration d’une stratégie pour orienter et structurer les actions relatives à ces maladies au sein de leurs systèmes de santé et de leurs systèmes sociaux, et à définir des actions prioritaires avec des objectifs et des mécanismes de suivi.